L’expérience et la pensée de Charles de Foucauld, Louis Massignon et Christian de Chergé donnent des éléments pour un renouvellement de la théologie de la mission de l’Église, un art de vivre en chrétien pour le temps présent.
Chemins de Dialogue Christian Salenson[1] interroge trois témoins, trois figures de sainteté.
Tous se sont trouvés confrontés à l’islam et ont été convertis par lui. Leur vie en a été bouleversée et leur manière de vivre leur foi s’en est trouvée transformée.
En suivant ces hommes, l’auteur trace une évolution de la théologie de la mission.
Charles de Foucauld est arrivé au Maghreb en colon et militaire, il voulait convertir les musulmans. Son intuition de fraternité universelle est née du dialogue de la vie avec les musulmans. L’auteur y voit une compréhension nouvelle de la mission de l’Église. Il a renoncé à la prédication pour la fraternité. Charles de Foucauld a inspiré les pères conciliaires. Il faut noter que bien avant Vatican II, il parle de l’apostolat de tous les chrétiens, hommes et femmes, célibataires ou mariés.
Louis Massignon, scientifique, homme politique, mystique, chrétien en dialogue avec l’islam, marié, prêtre, est l’une des personnalités les plus marquantes du XXe siècle. Devenu croyant grâce à l’hospitalité et la prière d’amis musulmans, sa conversion crée en lui un lien définitif à l’islam. Il offre l’hospitalité à la foi musulmane. Sa méthode scientifique aussi a un lien avec l’hospitalité : pour comprendre l’autre, il faut entrer en sympathie avec lui. L’hospitalité est l’essence de sa spiritualité, elle est gratuite, c’est une donnée fondamentale de la mission.
Christian de Chergé, prieur des moines de Tibhrine, a reçu d’un ami musulman sa vocation à suivre le Christ en Algérie. Sa pensée, nourrie par son expérience de vie monastique vécue en dialogue avec les musulmans et l’islam, et par Vatican II, ouvre à une théologie du dialogue. Pour lui la prière en dialogue, « priants parmi d’autres priants », est probablement le cœur du dialogue, et la Visitation exprime le mystère de la mission. Lui et ses frères sont morts de leur fraternité au-delà des frontières.
La vie de ces témoins et leurs écrits montrent que la prise en compte respectueuse de la pluralité renouvelle profondément la théologie de la mission. Il s’agit pour l’Église d’une conversion, consentie lors du Concile, mais encore à réaliser.
Quelques-unes des pistes relevées par l’auteur pour cette conversion :
La vocation des Églises locales à une proximité bienveillante avec leur peuple. Le disciple-missionnaire qui apprend à contempler chaque jour l’œuvre de l’Esprit. Une contemplation fondamentale pour l’avenir de la mission. L’hospitalité, paramètre essentiel de la mission : faire place à l’autre à l’intérieur de soi. La fraternité universelle vue comme la finalité de la mission de Dieu. Le dialogue du salut dont parlait Paul VI dans Ecclesiam Suam est peut-être un nouveau modèle de sainteté.
Cet ouvrage dense ouvre à l’espérance. Il intéressera les chrétiens familiers du dialogue interreligieux, et, au-delà tous ceux qui cherchent à savoir comment se situer comme croyant dans le monde. Il nous ouvre des perspectives
vers une Église pauvre, bienveillante et à l’écoute, humble collaboratrice de la mission de Dieu.
Nous l’avons compris, Christian Salenson n’élabore pas une théologie abstraite, ses sources ont été puisées dans la courbe de vie et l’expérience de ces trois grandes figures de dialogue.
M.-L. Morbieu
[1] C. SALENSON, Témoins de l’à-venir. Charles de Foucauld, Louis Massignon, Christian de Chergé, Marseille, Chemins de Dialogue, 2021, 303 p.