Bien choisir les chants liturgiques
Philippe Robert, musicologue, organiste et compositeur explique en quoi la formation à la théologie du chant et de la musique liturgiques aide les acteurs à s’y retrouver et à opérer un nécessaire discernement dans le maquis du chant liturgique.
Le nombre de partitions déposées au SECLI – Secrétariat des éditeurs de chants liturgiques – dépasse aujourd'hui les vingt mille compositions.
Ces dernières années, des nouveaux répertoires sont apparus en dehors des organismes officiels qui contrôlent les chants liturgiques. Devant une telle abondance de biens,
comment pouvoir choisir judicieusement ce qui convient aux célébrations liturgiques ?
Connaissance indispensable des répertoires ... et de la liturgie
On disait autrefois que pour apprendre l'anglais à John, il faut non seulement connaître l'anglais, mais avant tout, il faut connaître John. Il en va de même pour le chant liturgique.
Il faut bien évidemment connaître les répertoires de chants liturgiques, mais il faut avant tout
connaître la liturgie elle-même.
En effet,
le chant est constitutif de l'acte liturgique. Il n'est pas un simple décor qui viendrait agrémenter, solenniser la célébration, il en est un élément essentiel comme le rappelle la Constitution
Sacrosanctum Concilium. Il est donc nécessaire de comprendre comment le chant joue son rôle de « serviteur de la liturgie », son
munus ministeriale, au sein de la célébration.
Tous les chants ne sont pas les mêmes. Ils ne se ramènent pas à l'unique forme « couplet-refrain » encore tellement utilisée aujourd'hui.
Une étude attentive des différents chants « rituels » présents dans la messe nous montrent que les formes sont variées et qu'elles correspondent à des attentes de la ritualité de la célébration elle-même. On y trouve des dialogues et des acclamations, des litanies, des hymnes, de processionnaux de forme tropaire... C'est ce qui fait la
richesse d'une célébration chantée où chaque élément trouve la place qui lui revient.
A cela s'ajoute aussi une étude attentive des textes des chants, car ceux-ci sont toujours
porteurs d'une théologie qui alimente notre foi.
On se rend bien compte que pour faire un choix judicieux de ce qui convient un discernement s'impose. Celui-ci ne s'improvise pas : il s'acquiert après une étude des enjeux de l'action liturgique et de la tradition encore récente du chant liturgique en langue française.
En effet, bon nombre de recherches ont été menées dans ce domaine depuis 1946.
Pour et avec une assemblée
Un dernier élément qui peut aussi aider au discernement est la
dimension pastorale de la liturgie. En effet, constamment le Père Gelineau nous rappelle que nous célébrons
pour et avec une assemblée. Lourde responsabilité que de choisir des chants non seulement en fonction des éléments rituels de l'action liturgique, mais aussi en rapport avec l'assemblée présente lors de la célébration. Les chants que nous lui proposeront devront lui permettre d'entrer dans le Mystère célébrer et ainsi nourrir la foi de chacun des membres qui la compose.
Comme le rappelle le pape François dans sa dernière Instruction,
Desiderio desideravi (29 juin 2022) à la suite du document conciliaire (1963) et de
Musicam sacram (1967),
une formation est indispensable pour tout qui exerce une responsabilité dans le domaine du chant liturgique. C'est l'objectif que se donne l'ISL et plus particulièrement l'option « musique liturgique » au sein de cet Institut.
Philippe Robert
Illustration : Hao Zhang - Unsplash.com