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L’anniversaire de la Cathédrale américaine de Paris

Le 26 mars 2023, la Cathédrale américaine de Paris a fêté son centenaire. Ce fut aussi l’occasion de signer « l'accord de Paris », qui reconnaît la pleine communion entre l’Église épiscopale et l’Église de Suède, luthérienne [1].

cathedrale US Paris Stephanie Klepacki
Anne-Marie Reijnen, théologienne protestante, enseignante à l'ISEO, évoque ici l’histoire et l’évolution de cette confession, l’épiscopalisme, encore insuffisamment connue en France.
 



L’émergence d’un christianisme alternatif

Disons pour commencer qu’il y eut plusieurs commencements.[2] Dès le début de la Révolution américaine, des citoyens protestants d’outre Atlantique se retrouvent à Paris. Il leur faut un accompagnement pastoral et des offices réguliers. Lorsque leur nombre croissant requiert une structure permanente (1859) deux éléments seront déterminants : l’amitié franco-américaine et le vœu de témoigner d’une forme alternative du christianisme, protestante, à côté du catholicisme majoritaire (le réchauffement œcuménique n’en était alors qu’à ses débuts).

La Cathédrale américaine « épiscopale », fut construite en 1881. Branche étasunienne de la communion anglicane, l’église épiscopalienne demeure sous l’autorité spirituelle de l’Archevêque de Cantorbéry mais elle est dirigée par son propre primat, appelé Presiding Bishop, qui siège à New York.

 

Au delà des origines ethniques

C’est maintenant une dame d’âge posé parmi de nombreuses autres églises d’expatriés à Paris : anglophones, germanophone, polonaise, etc. Comme pour toute église d’expatriés, l’origine ethnique est inscrite dans son ADN, mais ce caractère demande à être dépassé par l’ouverture à toute personne, quelle que soit sa race et sa nationalité.

Entre l’importance des repères culturels familiers, loin de sa patrie, et la paroisse « ethnique » comme un funeste entre-soi, il faut savoir naviguer et surtout, se remettre en question sans cesse en acceptant de nouveaux défis. Un facteur spécifique, c’est que parmi les « dénominations » (protestantes) disséminées aux États-Unis, l’épiscopalisme est assimilé à une église de l’establishment.
 


Une fusion entre tradition conservatrice et esprit progressiste

La forme des Eucharisties y est conservatrice, avec la prière issue du Book of Common Prayer, marquée par l’appartenance à la communion anglicane ; avec les vêtements liturgiques somptueux, et des Himalayas d’encens (pour les grandes fêtes). En revanche, l’esprit est progressiste, tel qu’il se manifeste par l’hospitalité eucharistique et par l’inclusion inconditionnelle de membres, de couples et de familles de toutes les orientations sexuelles.

Alors que l’église épiscopale n’appartient pas, historiquement, à la famille des églises noires des États-Unis, l’actuel primat, Michael Curry, est un représentant de cette tradition [3].
Sa prédication encourage les paroissiens de la Convocation (l’ensemble des églises épiscopales d’Europe) à chercher toujours l’émancipation, entendue comme l’appel de l’Évangile et du Royaume à venir.
L’injonction d’être « church on the move » rejoint l’audacieux appel du pape François à faire sortir l’église hors des murs des églises, vers les périphéries.

Aujourd’hui, les paroissiens et le « tout-venant », toujours bienvenu, se réunissent dans le magnifique édifice de style Gothic Revival, unique en France. Ses orgues Cavaillé-Coll, au service de la beauté de la liturgie vont être complètement restaurées. Attirés par la musique, beaucoup restent, que ce soit pour une école de dimanche dynamique, la qualité de la formation des adultes, le « Sandwich Ministry » et ses repas offerts deux fois par semaine aux démunis.

[1] L’accord ou Memorandum of Understanding a été signé le 27 mars 2023 à Paris par l’Archevêque d’Uppsala, le pasteur Martin Modéus, et le primat (Presiding Bishop) Michael Curry. Parmi les invités œcuméniques étaient présents Julija Vidovic et Marc Boss (tous deux représentant le COE), la pasteure Anne-Laure Danet, le Père Jérôme Bascoul…
[2] Voir l’étude détaillée de Cameron ALLEN, The History of the American Pro-Cathedral, Church of the Holy Trinity, Paris (1815-1980), Bloomington, iUniverse, 2012.
[3] On lira l’excellent ouvrage de Henry Louis GATES jr,: Black Church. De l’esclavage à Black Lives Matter, Genève, Labor et Fides, 2023.
Contact mail :
Marie Brouchot
Lieu(x) :
Publié le 14 juin 2023 Mis à jour le 30 juin 2023

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