Séminaire
Paris
le 23 avril 2025, de 15H00 à 17H00

Transhumanisme et immortalité

Participez à la séance du séminaire de l'équipe de recherche Esprit, Cognition et Intelligence artificielle de l'Unité de Recherche de l'ICP le 23 avril 2025, à 15h.

Christine Leroy
Institut ACTE/Panthéon-Sorbonne
Christine Leroy est agrégée de philosophie et docteure en esthétique. Elle est chercheuse associée à l'École des Arts de la Sorbonne et professeure de philosophie dans le secondaire et le supérieur. Elle est également enseignante invitée aux Facultés Loyola Paris, où elle contribue notamment dans le domaine de l'esthétique.
loyolaparis.fr

Parmi ses publications, on compte "La Phénoménologie" aux Éditions Ellipses (mai 2018) et des ouvrages à paraître tels que "Ethique de la danse. De la chair au 'care'" aux Éditions Hermann, ainsi que "Les Deux Mains de Maurice Merleau-Ponty" aux Éditions Les Petits Platons.
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Organisé dans le cadre de l'équipe de recherche "Esprit, Cognition et Intelligence Artificielle" du pôle de recherche Rationalité et expérience de l'Unité de recherche "Religion, Culture et Société" (EA 7403), ce séminaire interdisciplinaire se propose de saisir les questions de la cognition et de l'intelligence au prisme d'une approche transversale.

Transhumanisme et immortalité

L'objet de ce séminaire est de déplacer la question de la conscience de soi des robots et de l'IA, supposée en faire des avatars de l'humain, sur celle de la conscience d'être mortels, lame de fond de l'humain.
Dans son roman Les Animaux dénaturés, Vercors suggère par l'entremise de ses personnages que l'humain se caractérise par la conscience de sa vulnérabilité. Et de fait, les hommes politiques narcissiques et grands chefs d'entreprise mégalomanes sont souvent considérés comme "inhumains", au sens moral du mot, en proportion de l'impression qu'ils dégagent de ne pas se penser mortels.
 

Humanité et vulnérabilité


En cette acception, être humain, c'est être doté de sens moral notamment parce que l'on se sait vulnérable, et qu'à ce titre on est capable d'empathie et de compassion à l'égard des individus en souffrance.
Si, à l'inverse, on promet à quiconque l'immortalité, loin qu'il se permette tout ce dont il craignait jusqu'alors de mourir, il s'autorise plutôt à être immoral. En ce sens, le transhumanisme, qui a tendance à promettre l'immortalité, peut sembler dangereux du point de vue des sociétés, non seulement par sa nécrose du présent sur lui-même, mais en outre par la façon dont il favorise l'inhumanité morale : si Tantale ne meurt pas, alors on peut le supplicier sans fin, jouissance suprême du sadique.

La proposition de Christine Leroy s'appuie sur les fantasmes qui découlent de l'expansion de l'IA, pour mettre en évidence d'une part l'amoralité de l'IA, dont le simulacre de conscience ne saurait être une conscience de mortalité, sise dans une chair, vulnérable et à la mort à la fois assurée et non programmée.
Il importe d'ailleurs de noter que ce qui spécifie la conscience humaine de soi, dont les robots – produits humains – se font le reflet plutôt qu'ils ne la manifestent, n'est pas première, et résulte d'un regard, d'une attention, de soins portés à un corps, avant tout vulnérable ; un corps qui, à la naissance, ne peut pas se tenir debout, et ne se soutient que d'autrui. En ce sens, l'attention au corps prime sur la conscience de soi, parce que sans cette attention, le nouveau-né meurt.


Conscience et angoisse de la mort

Aussi la conscience et l'angoisse de la mort font-elles l'humain ; à l'inverse, la promesse d'immortalité éradique ce qui porte l'humain à prendre soin de lui, mais aussi à prendre soin des autres.
Si l'enjeu est éthique, il va au-delà de l'éthique : la promotion d'une intelligence désincarnée, dont l'horizon est celui de l'immortalité, va certes de pair avec un désintéressement dramatique vis-à-vis du "vieux". Nous nous intéresserons aux idéologies du jeunisme et à celle d’un présent qui s'auto-reproduit, fantasme mécaniste d'une reproduction de soi sans régénération, et à ses écueils souvent soulignés, jamais pris en considération politiquement.
Mais nous nous demanderons aussi si le danger d'une promesse d'immortalité, fondée sur l'éviction d'un corps humain, ne fait pas retour sur ce qui caractérise l'humain en propre, à savoir la conscience de soi.
À défaut de corps et de regards posés sur le corps, peut-on encore concevoir la possibilité d'une réflexion ? Ce second enjeu s'avèrera donc existentiel.

Lieu(x) :
  • Paris
Publié le 17 mars 2025 Mis à jour le 15 avril 2025

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