Troubles psychiques et somatiques : l'approche phénoménologique, un atout pour la qualité de l'écoute

En janvier 2024, l'ICP, l'Ecole des psychologues praticiens et l'Ecole française de Daseinsanalyse, ouvrent un nouveau Diplôme Universitaire Santé mentale, Psychologie existentielle et Phénoménologie. A cette occasion, Bernard Pachoud, Psychiatre, Professeur en psychopathologie et co-responsable du DU, explique les atouts de l'approche phénoménologique dans les pratiques de soins des troubles psychiques et somatiques :
 

L'initiation à la démarche phénoménologique

Le DU Santé mentale, Psychologie existentielle et Phénoménologie propose une initiation à la démarche philosophique phénoménologique, en particulier à la caractérisation husserlienne de la structuration de la conscience et de son activité constituante, ainsi qu’à la conception heideggérienne de l’existence humaine, comme ouverture au monde, à l’autre à et soi-même.

Les dimensions essentielles de l’expérience vécue seront approfondies :

• l’expérience du temps, son lien aux affects et au vécu corporel, son altération dans les troubles de l’humeur, dans la dépression en particulier
• l’expérience de l’espace et ses altérations en psychopathologie
• la dualité de l’expérience du corps propre et l’altération du vécu corporel dans pratiquement toutes les pathologies mentales
• la perception d’autrui et les modalités d’intersubjectivité, c’est à dire d’appréhension de la vie subjective d’autrui, ainsi que leur altération également dans plusieurs pathologies (les troubles psychotiques, les troubles du spectre autistiques…)

 

L'expérience subjective des patients

Outre une meilleure compréhension des troubles psychiatriques sévères (psychoses, troubles de l’humeur), qui s’accompagnent d’altérations étranges et souvent sous-estimées de l’expérience subjective des patients, souvent au fondement de leurs croyances délirantes, l’approche phénoménologique permet également une compréhension plus fine de vécus et de situations existentielles plus communes telles que le deuil, l’anxiété, l’ennui, la fatigue, la souffrance, l’expérience de la maladie somatique.

C’est pour ces raisons qu’elle est utile aux cliniciens soucieux d’établir une relation intersubjective avec leur patient, qui ne limite pas au repérage diagnostique des troubles, mais est attentive aux vécus des patients. Ces vécus ne sont pas que l’expression de la maladie, mais souvent aussi des façons d’y faire face, de “faire avec”, de recourir à des stratégies d’adaptation parfois maladroites, parfois bien pertinentes.

 

La qualité de l'écoute pour créer une relation de confiance

Face à une médecine scientifique et technicienne dont les progrès et l’utilité sont hautement appréciables, mais qui s’accompagne du risque d’une insuffisante prise en compte du vécu, par le patient, de sa maladie et de ses soins, l’approche clinique phénoménologique, en tant qu’elle se focalise sur l’écoute et la compréhension de ces vécus, trouve sa pertinence comme complément des approches scientifiques objectivantes. Elle contribue à ce que le patient se sente et se sache reconnu et considéré comme une personne, et pas seulement comme un corps malade à traiter.

C’est sans doute une des raisons du regain d’actualité de l’approche phénoménologique en psychiatrie, mais aussi plus largement en médecine, dont témoigne au plan international l’abondance de travaux de recherche et de publications.