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« Un enseignant est un praticien-chercheur qui adapte en continu sa démarche »

Les expériences qu’Ostiane Mathon a menées en tant qu’enseignante pendant 25 ans lui ont permis d’identifier et mettre en avant les besoins fondamentaux partagés par tous les élèves. Aujourd’hui formatrice, elle partage ses clés aux enseignants qui souhaitent tenter l’expérience d’oser faire classe autrement.

ostiane mathon ©Frederic Albert

Comment travailliez-vous avec vos élèves quand vous étiez enseignante ?

Je dirais que j’étais une enseignante « exploratrice » qui menait des projets de recherche pédagogique avec mes élèves. Mon objectif : les aider à mieux être et à mieux apprendre. Et pour cela je devais constamment me former, essayer, ajuster. Sortir du cadre, dans un système très normé n’est pas simple et j’ai vite constaté que faire la classe autrement pouvait mener à une certaine solitude dans son propre établissement. C’est pour cela qu’il est essentiel et vital si on entre dans ces démarches d’exploration, de se former en continu, de partager avec d’autres pairs les doutes et les réussites dans des lieux propices aux échanges sans jugement.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de travailler différemment avec vos élèves ?

Que ce soit en salle des professeurs, en conseil de classe ou en tant que parent d’élève, j’ai souvent entendu cette petite phrase assassine « élève intelligent mais pas scolaire ». C’est ce qui a déclenché mon envie de devenir formatrice. Une école qui ne reconnait qu’une forme de réussite, calquée sur des normes figées et incapable de reconnaître la multiplicité des élèves est une école qui conduit à l’exclusion, à la compétition, à la normalisation de l’être humain. Développer une école plus intelligente et moins scolaire, voilà un vrai début de piste. 

La conception universelle de l'apprentissage vise dans un premier temps à permettre à tous les élèves de progresser. Concrètement, comment cela se traduit en classe ?

Chaque enfant est accueilli tel qu’il est. L’espace se transforme, l’environnement de la classe devient plus flexible. Un cadre de travail accueillant, structuré et contenant permet de sécuriser chacun ; des situations pédagogiques diversifiées ancrées dans le réel, mettent l’accent non seulement sur les contenus de programmes mais aussi sur l’apprentissage de l’autonomie, l’entraide, la coopération, la prise de risque, la prise de décision, en un mot, l’apprentissage de la vie. Chacun y avance à son rythme, mais jamais seul. 

Avec votre expérience d’enseignante et de formatrice qui observe ses pairs en classe, quels sont, selon vous, les points les plus importants de la conception universelle de l'apprentissage ?

Les besoins fondamentaux pour apprendre sont les sentiments de sécurité, d’appartenance, d’identité, de compétence sociale et de compétence scolaire. A cela s’ajoute d’autres besoins partagés par tous les élèves tels que les besoins physiologiques, relationnels, culturels et cognitifs. Et tout cela ne se décrète pas, cela se secrète, se pense, se conçoit au sein de chaque séance. Ce n’est pas simple ce métier, c’est peut-être un des plus complexes ! 

Quels conseils donneriez-vous à un jeune enseignant ?

Ce serait de prendre du temps pour connaître ses élèves, de rester souple sans lâcher le cadre, d’observer beaucoup ses élèves en train d’apprendre en classe, de ne jamais cesser de se former lui-même, d’avoir confiance en lui et en ses élèves, de ne pas rester seul et de nourrir sans relâche la joie et le sens qui l’ont conduit à choisir ce métier, qui est aussi une mission. 
 

Publié le 19 juin 2024 Mis à jour le 20 juin 2024

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